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Catalogue Casa de Velázquez,
Madrid 2020

Par Jean-Pierre Rehm, délégué général du
Festival du Documentaire de Marseille

Tel est vu

 

Il y a fort à parier, sauf à être familier de telles pratiques, pour que le spectateur du film Les Proies, de Marine de Contes, se retrouve, candide comme je l’ai été, égaré. À quel spectacle la jeune cinéaste nous invite-t-elle à assister ? Voilà des oiseaux, bien en vie, que l’on fait glisser, à l’aide de treuils d’allure sophistiquée, le long de très hauts arbres. Voilà des hommes d’âges divers se déplacer dans un campement si grand « qu’il faudrait un vélo », pour mieux le parcourir, comme le déclare un des protagonistes, et dont jamais l’ampleur réelle ne nous est pourtant dévoilée. Voilà, toujours dans cet espace à l’arrangement à la fois sommaire et clairement décidé, apparaitre aussi, à d’autres moments, bien plus rares, des femmes, des jeunes gens, réunis pour une occasion qui ne se précise guère malgré l’avancée du film. Voilà des hommes, en planque dans des trouées aménagées, s’animer, fébriles, comme en un étrange baby-foot à distance, à tirer sur des poignées reliées à des filins dont l’utilité effective nous est soustraite. Voilà, ici et là, des bribes de conversation, dont on se prend à espérer des éclaircissements qui ne se formulent jamais. Voilà, hachures magnifiques et silencieuses, les troncs des pins occuper toute l’image sur fond d’une lumière qui hésite.

Si le film de Marine de Contes est bien pourvu d’un titre censé nous aiguiller, il faut reconnaître que les choses ne se passent pas comme promis. Le coup de feu qui confirme qu’il s’agit bel et bien de chasse est quasi conclusif, n’arrivant qu’à la minute 47 d’un film qui n’en compte guère davantage. Et c’est tout aussi furtivement, juste après, que les supposées « proies », quelques dépouilles de palombes, maigre trophée, emplissent le cadre. C’est, évidemment, que les « proies » du titre ne sont pas celles que l’on imaginait. Tel est pris qui croyait prendre, et voilà nos chasseurs victimes de leurs propres pièges, de leur propre patience, de leur propre guet. Car ce que filme Marine de Contes n’est rien d’autre, mais cela, bien sûr,  fait croître au fur et à mesure tout un monde, que leur passion. Passion qui est moins celle du nombre de volatiles abattus, même si cette question des records et de leur chronologie est évoquée comme une mesure du temps qui s’est écoulé, que celle de leur articulation et de leur complicité avec les arbres, les sons et les bans d’oiseaux qui éclaboussent le ciel au-dessus de leur tête dans ce paysage si particulier des Landes.

On n’aura pas tardé à le saisir, si cet éloge de la passion de l’attention, de la soumission à l’exactitude sans répit de l’attente, se présente de manière aussi modeste qu’aimante, c’est aussi que le geste de la cinéaste s’y retrouve en miroir. C’est sans doute la raison pour laquelle on la voit, elle la cinéaste, à l’image, animal brandi au bout d’un perchoir, égale de ces chasseurs filmés, proie tout comme eux de la caméra, au service d’une même fabrique d’enchantement, qui, pour nous ravir, proies à notre tour, n’a nul besoin d’ajouter aux beautés du monde, de les attendre seulement, pour les laisser se déployer dans la splendeur fugace de leur passage.

C’est pourquoi, même si la tonalité finale des derniers plans semble laisser percer quelque nostalgie, dont le bruit rageur de la tronçonneuse et le sinistre tableau des pins qui tirent leur révérence seraient le motif, Les Proies n’est pas une méditation tournée vers le passé. Car les portraits de ces artisans guetteurs, chasseurs et cinéaste mêlés, demeurent.

Libération, 30.03.2018,
DOCS, L'EFFET RÉEL.

Par Luc Chessel, critique.

"Les Proies de Marine de Contes nous plonge pour sa part dans les préparatifs techniques démesurés d’une traditionnelle chasse à la palombe en forêt landaise, en déployant des trésors d’immersion à suspense, tous les traits du film d’action et du fantastique. Tout un dispositif déceptif se met en place, où le film que nous voyons et la traque qu’il décrit s’entremêlent et s’identifient, mais pour rentrer tous les deux quasi bredouilles d’un réel qui s’enfuit à tire-d’aile et dont seule l’attente - tout un cinéma - comptait vraiment."

Catalogue Festival Viva Villa,
La Collection Lambert en Avignon 2020

Par Antoine Thirion, programmateur.

Il y a deux ans, Marine de Contes a livré avec Les Proies, documentaire sur la chasse à la palombe dans les Landes, l'un des meilleurs premiers films français de l'année. Récompensé du Grand prix de la compétition nationale du Cinéma du Réel, il a voyagé dans les meilleurs festivals de cinéma internationaux – Art of the Real, Viennale, Ficunam, Frames of Representation. Les contextes ont pu orienter sa réception. Ici, il relevait singulièrement le niveau d'une tradition prolixe du cinéma direct à vocation ethnographique, pour dialoguer plutôt, par l'intelligence d'un montage jouant habilement sur le retard de la compréhension du fonctionnement d'un piège complexe, avec les grandes fictions cynégétiques. Là-bas, par sa dimension auto-réflexive, il rejoignait à sa manière une autre lignée ethnographique autrement plus formaliste, inventrice de dispositifs filmiques qui ont profondément influencé le cinéma contemporain – ceux du Sensory Ethnographic Lab notamment. Cela tient beaucoup à la qualité phénoménologique recherchée par De Contes, et je n'en retiendrai ici que leur formidable construction sonore – musique concrète si sensible encore dans Mouvements du paysage – par où le film déroutait discrètement l'attention du spectateur de l'expérience humaine vers celle d'oiseaux captifs, exemple parmi d'autres d'une faculté à glisser entre mondes humains et animaux. Le bruit des poulis et des cordons reliés aux appeaux, l'exploration de kilomètres de couloirs camouflés et la découverte des techniques d'appâtage redoutables fabriquaient une version étrangement artificielle de la forêt, lieu de prédilection où De Contes prépare actuellement son prochain film dans une laurisylve des Îles Canaries. Plus de chasseurs ni d'appeaux cette fois, mais une langue régionale sifflée, le silvo, qui poursuit un intérêt manifeste pour la survivance et la perpétuation d'intelligences hybrides.

Catalogue Casa de Velázquez,
Madrid 2020

By Jean-Pierre Rehm, délégué général du
Festival du Documentaire de Marseille

A take on game

Casual viewers of the film  The Game (in French Les Proies, “The Prey”)  by Marine de Contes, might initially find themselves disoriented during the first portion of the film, as I was. What is this young filmmaker showing us? To begin, there are birds, alive and kicking, that, with the help of sophisticated-looking winches, are hoisted to the tops of very tall trees. There are men of various ages who move around a camp so large, “that it would be better to take a bicycle,” as one of the protagonists declares. The true size of the camp is never revealed.  Occasionally, there are women and young people who appear on screen in a setting that is at once simple and open, while also impossible to place in context, even as the film progresses. Then there are the men who emerge from openings to pull on the handles and ropes leading to the sky. The purpose of this cabling is initially unclear to the audience, even if the images remind one vaguely of table football. There are also snatches of conversation here and there, from which one starts to hope for explanations that are never provided. These glimpses emerge from a backdrop of rich forest, with pine trunks filling a screen that flickers with undulating light.

If the title of Marine de Contes’ film is meant to be suggestive, its true meaning does not unfold in a linear manner. The gunshot that finally confirms that this film is about hunting – at least in part - is almost conclusive, only arriving on screen at minute 47 of a film that has little more to go. Shortly thereafter, the viewer sees that the results of all this effort, the hunted “game”, are little more that a few wood pigeons. It then becomes clear that  “the prey”, to recall the French title, are not those we had initially imagined. These hunters have perhaps been “beaten at their own game,” victims of  their own traps, their patience and their commitment. Marine de Contes’ film slowly reveals a broader world and a deeper set of truths. It becomes clear that the hunters’ passion is less about the meticulously documented results of their hunts over time, but rather their relationship with the world around them, including the trees, the sounds, and the flocks of birds that put on a show in the sky above their heads in this distinctive landscape of the Landes region in France.

Catálogo Casa de Velázquez,
Madrid 2020

De Jean-Pierre Rehm, delegado general del
Festival du Documentaire de Marseille

La imagen al vuelo

Es muy probable, a menos que esté familiarizado con este tipo de ejercicios, que el espectador de la película Les Proies, de Marine de Contes, se encuentre, ingenuamente, como yo lo estuve, desorientado. ¿A qué espectáculo nos invita a asistir la joven cineasta? Vemos unos pájaros, vivos, que son deslizados, con la ayuda de unos sofisticados cabestrantes, hasta la cima de unos árboles altísimos. Vemos a unos hombres de distintas edades que se desplazan por un campamento tan grande «que haría falta una bicicleta» para recorrerlo –como afirma uno de los protagonistas–  y del que nunca se nos desvela cuál es su extensión real. En otros momentos, más bien escasos, también vemos aparecer en ese mismo espacio, dispuesto con sencillez pero a la misma vez elaborado con detalle, a mujeres y a gente joven, reunidos para una ocasión que no se precisa, ni en lo que resta de la película. Vemos, en unos escondites acondicionados, a unos hombres moverse inquietos, como en un extraño futbolín pero a distancia, tirando de unas asas unidas por cuerdas, cuya utilidad efectiva se nos escapa. Vemos, aquí y allá, fragmentos de conversación, de los que esperamos alguna aclaración que nunca llega a formularse. Vemos, como trazos magníficos y silenciosos, troncos de pinos que ocupan toda la imagen sobre el fondo de una luz titubeante.

 

Si esperamos que el título de la película de Marine de Contes nos pueda orientar, hay que reconocer que las cosas no ocurren así. El disparo que confirma que se trata claramente de una cacería es casi conclusivo, pues llega en el minuto 47 de una película que apenas se prolonga más. Y  también es de manera furtiva que, justo después, las supuestas «presas» —algunos restos de palomas torcaces, escuálido trofeo— llenan el plano. Evidentemente, las «presas» del título no son las que imaginábamos. Estamos ante un caso del cazador cazado, y ahí tenemos a nuestros cazadores, víctimas de sus propias trampas, de su propia paciencia, de su propia vigilancia. Pues lo que filma Marine de Contes no es otra cosa que la pasión de los protagonistas, y al hacerlo, por supuesto, va creando todo un mundo. Una pasión, que no es tanto por las aves abatidas, aunque esta cuestión de los récords y su cronología se evoca como una medida del transcurrir del tiempo, sino por su relación y su complicidad con los árboles, los sonidos y las bandadas de pájaros que manchan el cielo por encima de su cabeza, en un paisaje tan particular como es el de las Landas.

 

No tardaremos en comprender que este elogio de la pasión por la atención,  del sometimiento a la exactitud de la espera sin descanso, que se presenta de manera tan modesta como apasionada, es también espejo de la intención de la cineasta. Sin duda, es la razón por la que vemos a ella en la imagen, con un animal posado en el extremo de una percha, igual que estos cazadores filmados, presa como ellos de la cámara, al servicio de una misma fábrica de encantamiento, que, para embelesarnos a nosotros, presas también a nuestra vez, no tiene nada que añadir a la bellezas del mundo, sino esperarlas y dejar que se desplieguen en el esplendor fugaz de su paso.

 

Por todo ello, aunque el tono final de los últimos planos deje entrever cierta nostalgia, con el iracundo ruido de la motosierra y la siniestra escena de pinos a los que les ha llegado la hora, Les Proies no es una reflexión que mira al pasado. Pues el conjunto de retratos de estos artesanos vigilantes y cazadores y de la cineasta permanece.

Catálogo Tabakalera, 12.2019
San Sebastian (Sp).

De Javier Rebollo

Cineasta

“Les proies es una película sobre la noción de espera y el misterio de los cuerpos en tensión y trabajo, sobre la mirada y el gesto, sobre el silencio y el batir de alas, sobre el arte del camuflaje y las trampas. Les proies es una película religiosa laica que puede ser vista como una película sobre el cine, sobre una aptitud al rodar y montar un film. Si Marcel Hanoun decía que todo film es autobiográfico, hasta el cine porno, esta primera película de una gran montadora joven me gusta verla como el retrato cotidiano de la vida Marine de Contes -aunque ella solo aparezca en un fundamental breve momento- que, al filmar con paciencia hombres y pájaros en comunión, reflexiona sobre su oficio, el cine, y la memoria de una comunidad gascona, la suya, y una tradición en trance de desaparecer. A Ford y a Hawks les hubiera encantado esta película libre: «La jaula se ha vuelto pájaro» escribió Alejandra Pizarnick.”

WE ARE MOVING STORIES, Blog, LA (USA), March 2019

By Carmela Baranowska

Congratulations! Why did you make your film?

I made The Game to share an experience in the Landes forest, located in the southwest of France. I would like the audience to feel what I discovered deep into this wood, the sounds, the light, the animals and an old tradition of a group of people. I also want to question our world and especially the way we manage natural resources and change our ecosystem.

Imagine I’m a member of the audience. Why should I watch this film?

With this film, I propose a total immersion into the forest in the company of some wood pigeon hunters. Delving into the atmosphere of the birdsong-saturated forest, we are initially transported by the immensity of the landscape. Strange sounds mingle with the rustling of the trees. We prick up our ears and learn to listen to the forest, becoming like hunters ourselves, waiting for something, waiting with infinite patience.
Little by little you will discover an old tradition of net hunting. You will be surprised how suspense can catch you even in a documentary film.

How do personal and universal themes work in your film?

This remote corner of the French countryside has been geographically labelled with the term hyper-rural. These men have conserved a language, a notion of time and an unsullied relation with the environment, which is passed down from generation to generation, yet doomed to die out. However, the law of profitability has imposed the cutting of pines, and it disfigures the landscape and threatens to modify the ecosystem. The hunters’ playground disappears, and the wood pigeons change their migratory routes.

Personal and universal themes are communicated in my film. I involve myself personally meeting wood-pigeon hunters, although we are from opposite worlds: urban vs rural. Moreover, as a woman I think it was especially interesting to enter a man's clan and to film them.

How have the script and film evolved over the course of their development?

Of course the script evolved during the shooting. From the beginning, I wanted to construct the film by aligning my approach with that of the hunters: observing, approaching and capturing them, allowing the viewer to live the experience while decoding a practice in the manner of an ethnographic film.

 

What type of feedback have you received so far?

I got good feedback, many screenings all around the world. This typical way of hunting surprises French people as well as foreigners.

Has the feedback surprised or challenged your point of view?

The feedback made me feel confident. I know it is a strange subject but I'm always thankful to meet people affected by my film.

What are you looking to achieve by having your film more visible on www.wearemovingstories.com?

By having my film on www.wearemovingstories.com I hope to have more visibility in the US and hope people will see my film.

Who do you need to come on board (producers, sales agents, buyers, distributors, film festival directors, journalists) to amplify this film’s message?

I hope you will contact me!

What type of impact and/or reception would you like this film to have?

I hope people will reflect on traditions, transmission and management of the environment.

What’s a key question that will help spark a debate or begin a conversation about this film?

Why would a young woman film old hunters in a remote forest ?

What other projects are the key creatives developing or working on now?

I work on a new project in a natural park, analyzing the relation of men and women with animals and landscapes.

Catalogue Festival Cinéma du Réel,

Centre Pompidou, Paris 2021

Par Clémence Arrivé

Un homme surplombe un royaume. Face à lui règne l’immensité des roches et des forêts. Des torrents de brume roulent sur les flancs des montagnes et l’aube dévoile une vallée silencieuse. Seuls s’échappent de ce silence les sifflements de ceux qui ont appris à habiter en oiseau. Dans de nombreuses régions et depuis toujours, des hommes et des femmes ont chanté ce langage, le silbo, fait de syllabes sifflées, en écho avec les occupants des airs. Les îles Canaries, pourtant îles aux chiens (provenant du peuple canarii, du latin canis) n’ont pas donné leur nom à des oiseaux sans motif : perchés sur leurs collines, des hommes et des enfants apparaissent et disparaissent pour élever ces vibrations ancestrales capables d’atteindre d’autres oiseaux ou hommes-oiseaux nichés au loin, de l’autre côté de la vallée. Leurs paroles transpercent les montagnes et créent des lignes d’air et de nouvelles liaisons. Dans ce film aérien, qui semble se déployer dans un monde qui ne serait pas encore condamné, les plans grandioses des paysages des îles confondent les airs et la terre. Les espaces sont partagés pour porter tout l’héritage de ce langage mythique qui semble être transmis par les anciens et, comme les plans nous invitent à le rêver, peut-être par les oiseaux eux-mêmes. La parole commune est devenue muette et l’écosystème révélé ici paraît avoir changé les corps et les aptitudes de ses habitants. Le film de Marine de Contes est une rêverie élémentaire, sans agitation mais délicatement assourdissante, une invitation à écouter ces langages secrets nous raconter des poèmes révélateurs d’un monde inattendu.

BLOG Mediapart Cinéma du Réel 2021

Propos recueillis par Andréa Lepore

Pour commencer, pouvez-vous me parler un peu du Silbo, si central dans votre film ?

Le Silbo est un langage sifflé de l’île de la Gomera qui était à l’origine parlé par les Guanches, la population préhispanique. C’est une langue miroir, c’est-à-dire qu’ils parlent un espagnol traduit en sifflements. Ils ont simplifié l’alphabet : ils n’ont que quatre voyelles, le o et le u sont représentés par le même son et pareil avec les consonnes. C’est une langue qui a la particularité d’avoir été réactivée récemment puisqu’avec l’exode, elle avait pratiquement disparu au milieu du XXe siècle, seules les personnes très âgées continuaient à le pratiquer. C’est grâce à la volonté et la ténacité de quelques octogénaires, voire nonagénaires qui sont allés pendant les récréationsà l’école enseigner le Silbo de façon spontanée dans les années quatre-vingt-dix. Ces personnes qui ont appris, peut-être une trentaine de personnes, adultes, ont lutté pour que le Silbo soit reconnu comme une langue, ce qui est le cas depuis 2009. Ils ont même réussi à en faire une matière obligatoire au bac, enseignée dans toutes les écoles aux élèves de six à dix-huit ans, maintenant tous les enfants le comprennent et pratiquement tous le parlent. C’est assez beau ce qui s’est passé, cette langue un peu rescapée grâce à la volonté de personnes âgées qui ne voulaient pas emporter leurs secrets avec eux. Moi je suis allée dans les écoles, observer les cours sur cette petite île d’environ cinq mille habitants.


En effet la question de la transmission apparaît assez vite dans le film, notamment lors de l’apparition des enfants. Et c’est très intriguant, surtout pour nous qui sommes plutôt habitués à une transmission de la langue qui passe plutôt par l’écrit.

C’est vrai que j’ai eu la volonté de ne pas expliquer l’histoire du Silbo dans le film mais de donner plutôt la sensation de cette transmission interrompue en travaillant les surimpressions, les effets de disparition et d’apparition, pour donner la sensation au spectateur que quelque chose se passe avec cette langue, sans rentrer dans les détails. Mon objectif c’est de mettre le spectateur dans la position dans laquelle je me suis trouvée en arrivant. J’essaie de lui faire découvrir quelque chose, il part d’un point de vue assez vierge, et il retrouve cette joie de la curiosité, d’être intrigué.


C’est très remarquable dans le film, cette approche non pas directement pédagogique mais très onirique, très sensorielle. Est-ce aussi pour cela que vous avez choisi de ne pas traduire tout de suite ce qui se disait en Silbo ?

Oui, ça a été difficile de décider quand j’allais sous-titrer parce que j’avais cette volonté de faire entendre la musicalité de la langue et pour écouter, il ne faut pas traduire. J’avais envie que le spectateur comprenne petit à petit qu’il s’agissait vraiment d’une langue. C’était par contre impensable de ne rien sous-titrer parce qu’il faut qu’on sache qu’elle transmet un message, que ces paroles ont du sens. 


On se laisse évidemment beaucoup porter par tout cet univers sonore, vous avez réalisé un important travail sur ce point ? 

Pour moi, il y a quelque chose d’assez magique, quand on entend les sons du Silbo, on croirait parfois entendre un merle ou un pinçon. La présence de la forêt dans la Gomera est incroyable, avec des arbres immenses, et quand on s’y balade, on peut entendre des oiseaux qui chantent mais aussi de temps en temps des humains qui s’appellent. J’avais envie de jouer sur ça et montrer les similarités entre ces façons de communiquer. Il y a aussi une sorte de mimétisme : souvent, les gens en Silbo répètent une phrase pour être sûrs de l’avoir bien comprise et ensuite ils répondent. Quand les oiseaux chantent, on a cette même impression. Le poème que j’ai décidé de travailler est aussi cyclique, ça rappelait cela. Et c’est une partie du rêve de se dire que les oiseaux comprendraient peut-être, même si ça n’est pas le cas, il y a quelque chose d’assez beau de voir que quand on est à la Gomera, les Hommes peuvent communiquer comme des oiseaux. Par rapport au travail du son en lui-même, j’ai travaillé de manière assez précise en faisant des enregistrements sur place, beaucoup de sons seuls, de vent, de textures, de chants d’oiseaux. Et j’ai ensuite construit la bande-son pour faire cet enchevêtrement qui participe au dialogue des humains, pour laisser planer le doute sur ce qui est un sifflement humain et ce qui est le sifflement d’un oiseau. Il y a aussi un travail assez important en montage son et en mixage avec Raphaël Mouterde et Xavier Thibault : chaque son est placé et monté de la même manière que chaque image. 


Il y a aussi une vraie dimension visuelle avec une photographie très soignée, comme si le paysage était un personnage. Les plans très larges donnent l’impression que le Silbo porte très loin. 

Effectivement, l’île est un personnage à part entière, aussi car l’existence du Silbo est inhérente à la géographie. C’était une nécessité, l’humain s’est adapté pour pallier les difficultés de communication, il était surtout pratiqué par les agriculteurs et les bergers. C’est vraiment ce rapport de l’Homme au paysage qui l’entoure qui m’intéressait. Et le Silbo peut porter à plusieurs kilomètres. 


Et comment s’est construit le projet dans le temps ? 

En réalité, j’ai fait trois voyages de plusieurs mois pour préparer le tournage d’un long métrage. Mais la situation sanitaire ne me l’a pas permis, puisque j’avais prévu de rester sur place pendant environ quatre mois à partir de mars 2020. Je devais passer du temps avec les habitants de l’île et filmer leur quotidien. J’ai eu l’opportunité de m’y rendre en juillet et j’ai tout de même eu envie de filmer. J’ai appelé un ami poète, Miguel Angel Feria, qui m’a proposé de choisir un de ses poèmes. Quand j’ai lu Paz , je me suis vraiment dit que ça résonnait avec toutes les thématiques que je voulais aborder et ce côté un peu onirique évoquait vraiment pour moi ce rêve qu’ont eu les anciens de la Gomera, que le Silbo renaisse. Donc je me suis un peu approprié le poème, et je connaissais bien l’île, j’avais déjà effectué des repérages filmés et j’ai assez vite décidé des endroits où on allait filmer chaque séquence. En arrivant à la Gomera, j’ai fait un casting pour trouver les protagonistes et organiser le tournage.


Il y a tout de même des défis qui viennent avec ce format court, il n’est pas évident d’installer une ambiance, de transmettre des idées en quelques minutes…

En fait, je ne réfléchis pas en terme de format. Le film aura la durée dont il a besoin. Au départ, je ne me suis pas dit que j’allais faire un court métrage, mais un film qui nécessitait moins de temps de tournage. Ensuite, tout ça s’est fait au montage, en agençant les séquences, en créant des respirations. Et puis j’ai vraiment allongé le film au montage son : j’ai rajouté pratiquement une minute d’images parce que notre perception est très différente lorsqu’il y a du son, on a besoin de plus de temps. Pour moi, c’est essentiel qu’il y ait un aller-retour entre le montage image et le montage son.

Catalogue Festival Cinéma du Réel,

Centre Pompidou, Paris 2018

Par Charlotte Garson

Dans la forêt des Landes de Gascogne, des cages à oiseaux sont hissées en haut des arbres à l’aide de poulies. Un homme aux aguets attend le moment opportun pour tirer des ficelles dans une grande cabane basse camouflée sous les aiguilles de pin. Étrange et fascinant théâtre sylvestre... Faisant fi de tout commentaire, Marine de Contes restitue une pratique dans sa complexité rituelle. Citadine et femme, donc doublement étrangère, elle retient son souffle en même temps que le petit groupe de guetteurs. Sans rejeter son statut de documentaire ethnographique sur les techniques, l'espace et les mots de la chasse à la palombe, Les Proies s'intéresse aussi à la communauté qu'elle maintient, au liant identitaire entre les générations et à la répartition entre les sexes (les femmes ne font visiblement que passer). L'attente fait partie intégrante de la chasse, qu'on la comble en s'initiant, octogénaire, à Candy Crush sur un smartphone, ou que l'on se raconte des histoires en gascon. Cette attente semble d'autant plus fructueuse pour la cinéaste qu'elle apparaît bientôt comme un miroir à sa pratique documentaire : qui tourne sans scénario ne monte-t-il pas lui aussi un dispositif apte à piéger l'événement, à épouser le surgissement visuel et sonore d'un passant furtif dans le champ ? Si de loin en loin, le bruit inquiétant de l’abattage d’un pin laisse deviner que la chasse à la palombe ne sera bientôt plus qu'un souvenir folklorique, un passage de relais, métaphorique du moins, a eu lieu. 

BLOG Cinéma du Réel 2018

Propos recueillis par Barnabé Sauvage

Votre film témoigne des derniers instants d’une pratique ancestrale, toujours exercée en famille mais menacée par la déforestation et vouée à disparaître, celle de la chasse au vol dans les Landes. Comment avez-vous rencontré cette famille de chasseurs ?

Je suis intervenue dans la région il y a quelques années, en proposant des ateliers de vidéo pendant l’été. Les enfants avaient choisi de tourner un court-métrage de fiction dans les bois et c’est grâce à eux que j’ai découvert les cabanes de chasseur appelées des palombières dont les galeries s’étendent sur plusieurs centaines de mètres. Les adultes m’avaient alors expliqué que la chasse à la palombe avait lieu pendant les deux mois de migration des oiseaux. Ils m’ont proposé de revenir en automne et la curiosité m’a poussé à accepter l’invitation. J’ai halluciné, je connaissais cette forêt avec son odeur de résine et ses lumières particulières mais je n’imaginais pas le déploiement d’un tel dispositif. J’ai eu envie de faire un film dans ce décor à la fois attirant et angoissant pour décoder ce rite et mieux comprendre ce qui poussait ces hommes à passer des heures à guetter le ciel. Le processus a été assez long, j’ai passé deux ans à faire des repérages pendant la saison de chasse. J’ai d’abord visité plusieurs palombières, dont celle de la famille Lamoulie. J’ai choisi de les filmer notamment car ils étaient prêts à accepter ma présence et celle d’une caméra pendant plusieurs semaines. Puis, j’y suis retournée seule, pour des repérages filmés, l’année suivante pendant plusieurs semaines afin de décoder la chasse et de préparer le tournage. Enfin, l’année suivante, j’ai filmé avec un chef op et un ingé son.

 

Le canevas de ce documentaire s’hybride, surtout par le montage (visuel et sonore) et le traitement de la lumière, d’un désir de fiction. Le film emprunte son titre à celui de Don Siegel et sa façon de filmer, caméra à l’épaule dans les tranchées de l’affût, au film de guerre. Quelles ont été les références cinématographiques de votre montage ouvertement fictionnel, souvent très nerveux ?

Avec ce film, je propose une expérience d’immersion au spectateur, mon intention est qu’il se prenne au jeu et se retrouve à son tour dans une position d’observateur à l’affût. Effectivement, ma façon de tourner en cinéma direct contraste avec ma façon de monter qui injecte artificiellement de la tension. Toutefois, s’il est vrai que j’emprunte aux films de guerre de Kubrick, Coppola ou Bigelow, un sens du rythme, de la dramatisation et du montage alterné, j’ai également puisé dans des références documentaires comme les films de Loztnitsa, Dvortsevoy, ou Snow. J’ai eu recours au montage interdit, au montage à distance et j’ai cherché une certaine porosité entre fiction et documentaire.

 

 

Quel rôle jouent ces images de la forêt à la lumière très travaillée, à la tonalité presque fantastique, qui viennent ponctuer le film comme des respirations ?

Les paysages donnent une dimension esthétique et phénoménologique au film, ce sont des tableaux sensoriels. Nous avons travaillé le son en nous inspirant de pièces de musique concrète pour bouleverser le visible et renforcer l’étrangeté de l’atmosphère. Ces arbres semblent figés dans le temps, ces lumières crépusculaires suspendent l’attente des chasseurs et celle des spectateurs, attisant le désir de voir l’action reprendre. J’essais de repousser les limites du cinéma ethnographique avec les codes du film de genre, on ressent la menace des tronçonneuse mais on ne la voit pas.
Enfin, ces plans évoquent la prise de distance avec le sujet, le décalage entre la réalité et sa représentation, c’est mon regard subjectif, j’observe et j’écoute.

 

 

Votre présence comme réalisatrice dans l’espace de l’affût est souvent invisible, il n’y a pas d’entretien face caméra mais surtout des conversations rapportées. Hormis une séquence, durant laquelle vous prenez un oiseau sur le bras. Quel est le sens de cette scène ?

C’est une métaphore de mon travail, c’est une manière de laisser entrevoir le processus de réalisation, la rencontre entre le filmeur et le filmé. J’ai calqué mon dispositif filmique sur celui des chasseurs : observer, m’approcher et capturer l’image d’une époque presque révolue.
Il y a une certaine rigueur formelle dans le film, avec cette scène, je déroge à mes propres règles pour montrer furtivement l’envers du décor et insuffler un peu de liberté dans ce huis clos.

ÉCLAIRS, Revue numérique de l'ALCA, Été 2018

Par Geoffrey Lachassagne, cinéaste.

Anthropologie de la palombe

 

Peut-être que la plus belle chose que le cinéma puisse offrir, c’est de nous amener où nous ne sommes jamais allés. Cet ailleurs se trouve parfois au détour de notre chemin quotidien. Il était juste sous nos yeux, voilé par toute une vie d’habitude. Marine de Contes nous fait ce cadeau-là. Mais attention, on n’entre pas comme ça dans une palombière.

 

« À l’époque, j’animais un atelier vidéo avec des enfants, à Saint-Michel-de-Castelnau. Les enfants ont voulu faire un film dans une palombière et nous sommes allés demander à plusieurs personnes de visiter la leur. C’est à cette occasion que j’ai rencontré Olivier Lamoulie, le grand-père. C’était le printemps, il n’y avait pas d’oiseaux, la palombière était comme une coquille vide. Mais Olivier a insisté pour que je revienne à l’automne voir ce qu’était une chasse. Alors je suis revenue, d’abord sans caméra. Là, j’ai bien senti que si je n’avais pas été invitée, il m’aurait été impossible de toquer à la porte pour demander à jeter un œil… J’ai passé la journée avec eux, et lorsque j’y suis retournée le lendemain, j’ai eu droit à une visite guidée : Olivier expliquait, décrivait, mais ce n’était pas la chasse. À ce moment, je n’étais pas du tout intégrée, mais je sentais de sa part un réel désir de partager. Je lui ai demandé si je pouvais revenir un jour de chasse. Olivier était fier, mais en même temps, je générais une suspicion. La première chose qu’ils m’ont demandé c’est si je n’étais pas écolo. Pour eux, il y avait un gouffre entre chasseurs et écolos. Et c’est vrai que je me sentais plus proche des écolos que des chasseurs, de manière générale. Mais j’avais envie de comprendre, de me défaire de mes préjugés… parce que, évidemment, j’en avais un paquet. Il a fallu du temps, mais ils ont fini par m’inviter « vraiment » à la chasse.

J’avais passé un cap, mais j’ai toujours senti que je pouvais me faire éjecter à tous moments. Rien n’a jamais été acquis. Olivier se référait à moi comme à une « estrangère » - or « les estrangers ont tendance à transgresser les règles, ils ne se rendent pas compte ». La confiance était fluctuante. Et c’est vrai que j’ai commis plusieurs erreurs : j’ai par exemple déclenché un piège en filmant dehors, alors que la règle veut qu’on ne sorte pas lorsqu’il y a des oiseaux. Pourtant, si j’avais respecté leurs règles à la lettre, je n’aurais pas pu faire de film. J’ai donc joué avec les frontières de la confiance, notamment pour faire des plans à l’extérieur, sans quoi j’aurais été confinée dans les couloirs.

Mais quelque chose était passé entre Olivier et moi. Sans lui, je n’aurais pas eu accès à son fils quinquagénaire, ni à son petit-fils. Je suis allée voir d’autres palombières, mais aucune ne regroupait trois générations. Cette dimension était très importante pour moi, parce que la transmission est un enjeu central dans tous les rites, puisqu’elle détermine s’il perdure ou pas. Lorsqu’Olivier m’a invité à visiter sa palombière, c’était pour me montrer que « ça existait encore »… Lui ne pensait pas à la pratique de la chasse à la palombe en général, mais à son espace, qui allait bientôt être détruit : les pins qui abritaient la palombière allaient être coupés, il le savait, rien ne pourrait l’empêcher. »

 

C’est dans cette faille minuscule que Marine de Contes s’est engouffrée, et nous à sa suite. Et ce n’est pas la moindre de ses audaces que de nous donner à voir le réel comme il s’est donné à elle : avec réticence, avec pudeur. Mieux : elle a l’honnêteté de ne pas faire passer pour familier ce qui nous est étranger, pour transparent ce qui demeure obscur. Elle ne balise pas notre visite, ne nous fournit aucun mode d’emploi, ne nous dit jamais quoi penser. Nous voyons trois générations accomplir des gestes avec le sérieux que réclament les jeux d’enfants, ou les rites religieux. Nous voyons le petit-fils peiner à imiter ses aînés. Nous sentons le poids de la responsabilité sur les épaules du fils. Et la détente du grand-père, comme s’il savait son temps échu. Mais les règles auxquelles ce petit monde obéit demeurent inaccessibles au profane. Pour une bonne raison : ce n’est pas le problème de Marine de Contes. Et c’est justement parce qu’elle nous épargne toute « folklorisation » de la chasse qu’elle parvient à capturer autre chose : un certain mode de transmission, reposant sur une longue intimité entre les générations, et dont nous pressentons la disparition. La palombière en est le lieu, et notre parcours initiatique est aussi un parcours dans l’espace. Labyrinthique.

 

« On arrive en voiture par un long chemin forestier. Il est ancien, plein d’ornières et, curieusement, il zigzague alors qu’ici toutes les routes filent droit sur des kilomètres… On arrive enfin à un espace défriché, où l’on peut laisser les voitures sous l’abri des pins. Sur un arbre, on trouve une poignée et deux écriteaux : « Tirez sur la poignée et attendez le hop », et « Si jamais la poignée ne marche pas, sifflez et attendez le hop ». D’ici, un câble court sur près d’un kilomètre entre les pins, et nous relie au cœur de la palombière. Donc on tire sur la poignée, la clochette sonne là-bas et, si jamais le ciel est dégagé, les chasseurs lancent un cri rauque, un peu long : « Hôôôp ». Mais s’ils sont en train de chasser, ils sifflent : ça signifie qu’on n’est pas autorisés à s’avancer au-delà de cette limite.

De là, il y a deux chemins. Le premier est droit, bien dégagé, et on peut l’emprunter lorsqu’il n’y a pas d’oiseaux aux environs ; le second, beaucoup plus discret, serpente à couvert entre les fougères. Tous deux mènent à une petite porte de bois : on la pousse doucement, puis on se glisse dans un couloir couvert d’aiguilles de pin et de brande séchée qui forment un camouflage naturel, couleur rouille et gris clair. La galerie est basse, il faut marcher courbé, et suivre un long couloir jusqu’à un carrefour qui nous donne le choix d’aller à droite, à gauche, au centre… On peut se perdre. Si l’on prend à gauche, on parvient après un long moment à l’entrée d’une cabane. À côté de la porte, il y a une étagère de bois, avec des encoches pour placer les fusils : il est absolument interdit d’entrer avec une arme.

La palombière est construite de façon tentaculaire, et la cabane est son centre névralgique. Les chasseurs y passent le plus clair de leur temps. C’est une pièce conviviale, dans laquelle se trouvent une cuisinière, une table, un canapé… Une petite ampoule brille au plafond. Au-dessus s’élève la tourelle d’observation - le garde - où se rejoignent tous les câbles tendus vers les extrémités de la palombière, les pièges et les appâts.

Depuis la cabane, des galeries partent dans toutes les directions. Si l’on poursuit plein nord, à travers un couloir qui semble de plus en plus vieux, nous parvenons à une salle munie de meurtrières, qui permettent d’observer le piège : des filets sont placés au sol, et peuvent se refermer d’un coup grâce aux câbles qui filent jusqu’au garde. D’autres sont reliés aux arbres, où se trouvent les appâts - des palombes sauvages capturées les années précédentes. En tirant sur une manette, les chasseurs peuvent les déséquilibrer, et leur faire battre des ailes, ce qui va attirer d’autres oiseaux. Une porte permet d’accéder au piège et aux appâts, qu’il faut nourrir, abriter tous les soirs. Un peu plus loin, on voit déjà les premiers pins coupés, la lisière qui ne cesse de se rapprocher…

Avec un drone, j’ai tourné un plan qui dévoilait toute la palombière, son dessin en étoile, ses galeries… et j’ai choisi de ne pas le montrer. Ça n’avait pas de sens de dévoiler cette architecture au début du film : je voulais que le spectateur découvre petit à petit l’espace au sol, avec cette sensation de dédale que j’avais eu moi-même. Et ça n’avait pas plus de sens de le montrer à la fin, parce que la palombière était détruite. »

 

Ce n’est qu’une fois le film terminé que Marine de Contes s’est sentie pleinement intégrée. Elle tenait à leur montrer le film. Olivier s’est dit fier : « Ma palombière va continuer d’exister, j’avais raison de te faire confiance. » Il a accueilli avec joie l’annonce d’une projection à Paris (« Je n’y suis jamais allé. Au moins mon image l’aura fait. »), mais lorsque la réalisatrice lui a proposé de montrer le film à Saint-Michel-de-Castelnau, il à répondu dans un souffle : « Je n’y tiens pas… »

ÉCLAIRS, Revue numérique de l'ALCA, Hiver 2020.

Propos recueillis par Éric Audinet

Marine de Contes, de la palombière landaise à la langue occitane

 

En résidence d’écriture cet hiver au Chalet Mauriac, Marine de Contes y a travaillé son projet de documentaire sur la langue occitane. Un projet qu’elle a pu nourrir au milieu des pins des Landes girondines, là où elle a tourné son premier film, Les proies.

 

Vous travaillez ici, au Chalet Mauriac, sur l’écriture d’un nouveau projet après Les Proies, qui se passe au cœur de la forêt landaise dans une palombière. Comment s’est construit votre premier film ?

 

Nous faisions des ateliers d’arts plastiques et de vidéo dans le sud de la Gironde. Là-bas, tout le monde nous parlait des palombières. À Saint-Michel-de-Castelnau, nous avons « cartographié » le village en allant demander aux habitants qu’ils nous parlent de quelque chose qui les touchait. Olivier Lamoulie nous a montré sa volière avec ses palombes, et nous a raconté sa passion. À Giscos, on a fait un autre atelier, avec des enfants, on a tourné un court métrage dans une palombière… Au moment de la restitution de l’atelier, et après avoir travaillé à Captieux avec des femmes qui nous ont appris les dictons liés à la palombe et leur rôle pendant la période de la chasse, Olivier Lamoulie, qui était là, nous a invités à aller dans sa palombière… J’y ai passé une journée, et puis ça m’a trotté dans la tête, d’autant que j’avais envie de faire un film dans la forêt, j’étais sensible aux questions d’environnement.

 

 

Il y a un sentiment de proximité mais aussi un rapport à l’étrangeté dans Les Proies ?

 

Mon point de vue est toujours celui de l’ignorance. Si on suppose au préalable qu’on sait quelque chose, on risque de passer à côté de détails. J’ai une vraie curiosité pour découvrir l’autre, je me mets en immersion. Pour faire Les Proies, j’ai mis 4-5 ans. Le film lui-même a été tourné sur deux ans, un pour la chasse et un autre pour le démontage de la palombière, après la coupe.

 

 

Est-ce que ce rapport d’étrangeté au réel a un rapport direct à la question du cinéma ?

 

Le cinéma, c’est le mode d’expression que j’ai choisi pour retransmettre des sensations, par le son et par l’image… parce que, pour moi, les idées sont visuelles. Dans Les Proies par exemple, il y a toute une idée autour de la verticalité qui s’exprime dans les montages des cages, le ballet des palombes, beaucoup de perspectives qui sont racontées visuellement.

 

 

Votre position extérieure au film, pas de voix off notamment, donne l’impression que vous assistez à quelque chose de très fragile, que tout peut disparaître…

 

Oui, je crois que la chasse à la palombe, ça ne va pas disparaître comme ça mais que ça va s’estomper, lentement… peut-être que, dans une centaine d’années, ce ne sera plus qu’un souvenir.

 

 

Vous êtes monteuse de formation. En quoi cette question du montage a-t-elle influé sur votre travail de réalisatrice ?

 

Au début, je ne pensais pas faire moi-même le montage. Mais je n’avais pas de budget pour avoir un monteur et j’adore structurer un récit, écrire les images, alors je me suis lancée seule dans cette étape de création. Ça me paraissait insurmontable, face à mes propres rushes, j’avais une centaine d’heures, je trouvais que rien n’allait, j’étais assez pessimiste. C’est difficile de faire des choix, face à tant de matière et de possibilité. Le montage, c’est le contraire de la page blanche. C’est une phase de destruction qui commence, on enlève des pans entiers, on façonne pour en faire une sculpture, on va à l’essentiel. C’est très dur de se défaire d’images que l’on a tournées, on les trouve belles, mais il faut trouver la cohérence de l’ensemble.

 

Dans Les Proies, il y a des séquences qui faisaient perdre du poids et de la force au film. Je me suis concentrée sur la chasse, j’ai renoncé à des choses annexes, pour vraiment plonger le spectateur dans ce désir de voir les oiseaux.

 

 

Cela veut-il dire que le sujet du film apparaît plutôt au montage ?

 

Pas tout à fait. Le vrai sujet, il était là, au tournage. Je pense les scènes dès que je tourne. Mais en documentaire, on a beau imaginer ce qui va se passer, on est confronté au réel, il y a des situations qui apparaissent, de l’imprévu…

Surtout dans ce type de documentaire…

 

Oui, et c’est au montage que l’on trouve la structure narrative même si, dès le tournage, je mettais en place un dispositif filmique en pensant au montage. Filmer l’attente sans que le spectateur s’endorme, c’est quelque chose de compliqué, c’est un défi. Il fallait vraiment que je filme des situations qui soient répétitives mais qui ne soient jamais les mêmes… Ce n’est pas de la mise en scène mais c’est de la mise en scène de la prise de vue, je fais un découpage mental, et je sais précisément ce que je veux, je dis au chef opérateur où il doit se placer, la focale qu’il faut utiliser, etc… À son tour, il me faisait des propositions, et il me conseillait.

 

Pour revenir à la question du montage, et compte tenu de tout ce que vous venez de dire, qu’est-ce que ce moment du montage a changé ?

 

Il y a des choses que je sentais… Quand j’ai filmé au petit matin Jean-Jacques qui installe les pigeons, j’ai su tout de suite que c’était le début du film… C’est un moment mystérieux… On voit le rapport à la forêt, à l’animal, on présente un homme. Voilà, c’était un début évident. J’ai essayé d’autres débuts, mais ça ne marchait pas. De la même façon, lorsque j’ai filmé le plus beau vol de palombes, j’ai su que ce serait pour la fin. Un vol de liberté. Il y a des séquences comme ça, au moment où on les tourne, on sait déjà où elles seront dans le film. Quand j’ai filmé la séquence des petits vieux, qui est un peu comique, sur les prises passées, l’héroïsation, j’avais l’intuition qu’il y avait une séquence singulière, mais je ne savais pas si je lui trouverais une place qui convienne pour le rythme du film, de même avec la séquence où les jeunes filles jouent à un jeu vidéo sur une tablette. Je leur ai trouvé une place en montage.  

 

 

Mais qu’est-ce que le montage a changé ?

 

J’avais écrit mon dossier par thématiques, la transmission, le parler gascon, l’attente, la convivialité… Et donc ces thématiques, c’est au montage qu’elles se sont organisées, que j’ai structuré, disséminé… Des scènes entre le père et le fils, au début je les avais rassemblées, et puis finalement c’était plus fort si, grâce au montage à distance, je répétais des gestes. En montrant des gestes similaires mais différents, tout au long du film, le thème de la transmission s’immisce subrepticement dans la tête du spectateur…

 

 

Et la fin ?

 

Elle m’a donné beaucoup de fil à retordre… J’avais du mal, j’avais un épilogue qui durait assez longtemps où l’on voyait les chasseurs, après la coupe de la forêt, démonter scrupuleusement la palombière, faire tomber les parois, arracher les perchoirs, retirer les traces de leur passage dans cette forêt. Ca avait un côté un peu mécanique, c’était long mais d’un autre côté, j’avais peur que les gens ne comprennent pas que la palombière avait été détruite, si je coupais… Finalement, après une pause de plusieurs semaines dans le processus de montage, j’ai décidé de couper toute la fin,  je l’ai résumée en 4 ou 5 plans qui suggèrent plutôt qu’ils ne montrent, et je crois que c’est mieux, on peut penser que ce pourrait être n’importe quelle palombière, ça donne un aspect plus général, ça correspond à mon idée de dire que l’on avance un peu vers la fin des palombières… Et donc, on est passé de 1h10 à 53 mn.

 

Pour le tournage, il y a un certain nombre de partis pris, de protocoles que vous mettez en place. En particulier, vous êtes absente, il y a juste deux courtes scènes où vous apparaissez… Quels sont vos principes ?

 

Oui, c’est vrai, je me fixe des règles… Et finalement, j’y déroge. Sur ce parti pris de discrétion, il y a un moment où j’ai décidé de retourner la caméra vers moi – en réalité il y en avait trois et finalement je n’en ai gardé qu’un, parce qu’il n’a du sens qu’à ce moment –. Au milieu du film, lorsque Olivier, le doyen, me passe une palombe et que je touche cette palombe, je me rends compte que je rentre en lien avec cet animal… ce plan symbolise plusieurs choses : d’une part une transmission entre lui et moi, comme s’il faisait confiance en mon film. Mais aussi un rapport d’égalité : c’est dur d’être filmé quand on n’est pas acteur et c’est une grande générosité pour eux de m’inviter… Renverser la caméra, c’est montrer que moi aussi je peux rentrer dans cette affaire malgré toutes nos différences – générationnelles et de mode de vie. Moi, je suis arrivé dans cette palombière chargée de préjugés, je ne suis pas chasseuse, je suis extérieure, tout le montre, et pourtant, il y a un dialogue possible, je suis sensible à ce qui se passe et j’aime rencontrer les autres.

 

 

Est-ce que par ce point de vue extérieur, vous cherchez à nous faire comprendre que c’est parce qu’on est ignorant qu’on arrive à filmer la vérité ?

 

Je préfère penser que je soulève des questions plus que je ne cherche des réponses en filmant. Il n’est d’ailleurs pas toujours nécessaire d’être étranger à un sujet pour l’aborder. On peut filmer des choses très proches de soi sans perdre le point de vue de la curiosité, comme l’ont fait Cavalier ou Van der Keuken.

 

 

Comment préparez-vous vos films, comment viennent les sujets ?

 

Les sujets, ils viennent à moi comme des rencontres. Les gens me parlent de questions personnelles et quelque chose m’intéresse chez eux, j’ai envie d’aller plus loin… Après, bien sûr, je fais beaucoup de recherches, je passe du temps avec les personnes, sans caméra, parce que la caméra met toujours une barrière.

 

 

Au fond, pour vous, la caméra doit se faire oublier quand elle arrive, un peu le contraire de ce que font beaucoup de cinéastes pour qui la caméra et le fait de filmer sont précisément des intrusions…

 

Oui… une présence presqu’imperceptible… C’est vrai, je n’ai pas envie que le dispositif soit trop prégnant. Mais c’est aussi l’époque qui fait ça. De plus, le numérique permet de tourner de longues prises, sans couper.

 

Quel rapport faites-vous entre votre résidence en ce moment au Chalet Mauriac et votre goût pour ce pays ?

 

C’est une coïncidence mais c’est assez magique, je suis très sensible à la lumière de cette forêt… et j’ai eu la chance de suivre le dîner de fin de chasse, les « Acabailles », au cercle de Saint-Symphorien. J’y ai rencontré des chasseurs et un groupe de rock, j’ai retrouvé une ambiance conviviale, le mélange de générations… J’ai trouvé ça formidable. J’ai retrouvé ce que j’avais compris et senti dans la palombière, avec des femmes qui étaient là, qui préparaient les repas, les moments festifs où tout le monde se retrouve.

 

 

En quoi cette résidence vous aide pour vos projets à venir, notamment votre prochain documentaire sur une langue régionale peu pratiquée, qui n’a rien à voir apparemment avec Les Proies ; mais au fond est-ce que dans les deux cas, on n’est pas dans un même goût pour des activités très singulières, potentiellement en voie de disparition et surtout qui ont un vrai rapport avec la question de la communication entre les gens ?

 

Oui, peut-être… Je m’intéresse à la transmission d’une langue qui est pratiquée par de moins en moins de personnes. Cette langue a été presque oubliée par une partie de la communauté, on a sauté une génération dans sa transmission car les enfants l’apprennent, leurs parents la connaissent mal et les anciens la parlent seulement entre eux. J’ai vu un parallèle avec ce que j’ai découvert ici, les écoles bilingues et la question de la pratique de l’occitan gascon. Les enfants l’apprennent à l’école dans un cadre institutionnel qui ravive cette langue. Il se pose alors la question de la transmission orale car, à travers une langue, c’est toute une culture et une façon de penser que l’on apprend. Par exemple, en réalisant Les Proies, j’ai découvert un vocabulaire technique de la palombière qui n’existe qu’en patois.

 

Mon prochain projet a quelque chose à voir avec ça, une langue est un outil de communication avec les autres mais donne également un rapport particulier de l’homme à son environnement. Une langue façonne une certaine vision du monde au sein d’une communauté et une manière de la décrire.  

 

 

Avez-vous d’autres projets ?

 

J’en ai beaucoup… Je viens de traverser la France pour le Mois du film documentaire pour présenter Les Proies et puis, quand je suis arrivé ici, au Chalet Mauriac, j’ai eu un petit moment de décompression, c’est tranquille, voir le ciel, les feuilles dans les arbres…. En dehors de mon projet de documentaire, j’ai un projet de livre jeunesse avec ma sœur qui est illustratrice, j’ai écrit le texte. Ensuite j’ai un projet de fiction… j’en ai parlé avec certains résidents du chalet. Il y a une bonne ambiance, chacun travaille dans son espace et le soir on se retrouve dans la cuisine, autour d’un verre. C’est bien de pouvoir échanger avec d’autres auteurs. J’ai envie de faire de la fiction mais en même temps je trouve ça artificiel, c’est difficile, je n’aime pas écrire des dialogues, ils doivent exister naturellement, dans la vie réelle.

 

J’ai filmé quelques images à Saint-Symphorien, notamment lors du concert au Cercle Ouvrier. Ces petits films personnels au téléphone, c’est comme une prise de note pour moi.

 

 

Vous pouvez dire quelques mots sur des cinéastes importants pour vous ?

 

C’est difficile, il y en a beaucoup, en docs comme en fiction… Je dirais Peter Hutton pour le rapport au paysage, l’école soviétique pour le rapport au geste et au temps, Alain Cavalier pour le rapport filmeur-filmé, bien sûr Depardon pour son rapport à l’image, Francis Ford Coppola pour le récit et la photographie, Antonioni pour le rapport au suspense… Et puis, plus récemment, Roberto Minervini, dont les films sont d’un réalisme magnifique, avec une sensibilité et une rigueur parfois assez rudes – des jeunes qui font du rodéo, des jeunes Américains désœuvrés, des minorités en lutte…  Il a une distance avec ses personnages qui est très belle, à la frontière entre la fiction et le documentaire, et c’est une posture qui m’intéresse vraiment, cette porosité, cette façon de montrer que, devant nous, tout est une histoire.

NOS HACEMOS UN CINE, Blog (Sp), 2018

De Miguel Martín

Asistimos a una especie de coreografía silenciosa en medio de la naturaleza que, casi, hasta la mitad de película, no revela su propósito. En medio de la naturaleza los hombres, y alguna mujer, que van apareciendo en pantalla, actúan con la seguridad de un trabajo repetido a lo largo del tiempo pero cuyo propósito se nos escapa si no pertenecemos al mundo en el que, como un diseño bélico, todos los participantes se van  moviendo por el escenario del bosque de las Landas en el que, las imágenes aéreas obtenidas con el dron, nos sumerge. Árboles, artilugios mecánicos, palomas y humanos, se alternan sucesivamente. Un sinfín de cordeles se entrecruzan entre las ramas hasta confluir en una trinchera desde la que, como un marionetista, los humanos se alternan para hacer mover los señuelos de las palomas encapuchadas y alzadas hasta una altura que no haga sospechar a los congéneres. Que nos movemos alrededor del mundo de la caza parece no resultar una suposición absurda ni muy imaginativa, pero también podríamos estar ante un estudio naturalístico, ante un reclamo para capturar otras especies, incluso ante una hipotética preparación para adiestrar rapaces; los minutos nos lo despejarán, justo cuando aparecen por primera vez las escopetas a mitad de la obra cualquier romanticismo no sangriento ha de obviarse. Asistimos a los preparativos de un diseño de muerte, sí, pero también a una integración plena del hombre en la naturaleza, aunque termine primando no sólo la inteligencia en la caza, sino también el predominio de la técnica y la facilidad de matar usando un arma de fuego.

Estamos cerca del otoño, supuestamente la caza a “contrapasa” de la paloma fue prohibida por una sentencia de 9 de junio de 2005 del Tribunal Europeo de Luxemburgo, que consideró que la caza en contrapasa no se ajustaba a la Directiva de Aves Silvestres, y en España el Tribunal Superior de Justicia del País Vasco (septiembre de 2007), en sentencia ratificada por el Tribunal Supremo (marzo de 2010), declararon la suspensión definitiva de la caza en contrapasa. Vemos el episodio contrario, la migración invernal de las palomas después de criar en sus lugares del Norte de Europa, y la espera de su presencia se organiza como una campaña militar calculada paso a paso para conseguir el mayor número de aves capturadas. Hay que creer que no es un mero pasatiempo mortífero, que hay una razón cultural en el mantenimiento de la tradición y que el producto de esta matanza se aprovecha. El terreno en el que los cazadores van desplegando su estrategia recuerda, sin mucho disimulo, un cuartel de campaña semienterrado, rodeado por una línea de trincheras que comunica los cuatro lados del perímetro y desde las que, el grupo de personas, escruta el horizonte a la espera del momento en que las aves lleguen en masa. Pasajes cubiertos para pasar inadvertidos, estancias como centros de mando, cocinas, camastros, observatorios, puestos de control, todo artesanal pero con la funcionalidad y rigor necesario para que sirva de un año a otro, aunque también es un modo de vivir en naturaleza condenado a desaparecer. Un orden y un respeto al entorno natural que no podemos olvidar que concluye en una descarga cerrada orientada al cielo y a las copas de los árboles, cualquier idealización concluye cuando suena la detonación, no necesitamos ver lo que producen esos disparos, las evidencias casan mal con el mundo de la creación artística.

La extensión del lugar no engaña, es un verdadero campamento, “il faut un vélo pour se déplacer” dice uno de los paisanos más veteranos, uno de estos que siente que puede ser el último año, no por su edad, sino porque el bosque cada vez se reduce más, los árboles son talados y sustituidos por postes eléctricos o de comunicaciones, el efecto de camuflaje natural se complica cuando el entorno se despeja y las aves no se sienten atraídas por campos baldíos y escasez de vegetación. De Contes huye del efectismo sangriento del resultado final de la detonación, hemos asistido al espectáculo de la tradición que perdura como reflejo de una manera de entender la vida animal unida a la propia supervivencia aprovechando los recursos naturales; aunque el abuso puede provocar su extinción si no hay regulación, porque si desde 1980 han desaparecido cerca de 2000 campamentos como el de las imágenes, multiplicado por el número de aves que pueden ser abatidas a su paso confiado por el lugar, dato al que habría que sumar su paso por País Vasco y Navarra, los animales que lleguen a hibernar en España o África serán afortunados. Los planos aéreos proporcionan ese aire de paz y concordia con la naturaleza, como si nos transformáramos en aves en pleno vuelo asistimos a un paisaje armónico en el que ese entramado de lonas, redes, cuerdas puede ser tanto un campamento de biólogos como lo que, realmente, termina por ser, pero en el plano final podemos comprobar que las imágenes aéreas del principio y las del final no concuerdan, que entre tanto, el bosque se ha reducido, que la caza sin orden ni regulación puede ser nociva, pero que más nociva para la naturaleza es la mano del hombre en su entorno, incapaz de preservar lo que lleva siglos en el mismo sitio, todo en aras de un progreso malentendido.

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